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pas au service de l’homme. L’homme tâche de s’en servir, et le plus grand danger est qu’il croit qu’il s’en sert. Il est comme un enfant qui manie des explosifs. Il n’y a pas de proportion entre ces engins colossaux et l’objet pour lequel ses mains débiles les emploient. Parfois, ils font tout sauter…

Comment parer au danger ? Étouffer la pensée, arracher les idées ivres ? Ce serait châtrer l’homme de son cerveau, le priver de son principal stimulant à la vie. Et pourtant, l’eau-de-vie de la pensée contient un poison d’autant plus redoutable qu’elle est répandue dans les masses, en drogues frelatées… Homme, dessoûle-toi ! Regarde ! Sors des idées, fais-toi libre de ta propre pensée ! Apprends à dominer ta Gigantomachie, ces fantômes enragés qui s’entre-déchirent… Patrie, Droit, Liberté, Grandes Déesses, nous vous découronnerons d’abord de vos majuscules. Descendez de l’Olympe dans la crèche, et venez sans ornements, sans armes, riches de votre seule beauté et de notre seul amour !… Je ne connais point des dieux Justice, Liberté. Je connais mes frères hommes et je connais leurs actes, tantôt justes, tantôt injustes. Et je connais les peuples, qui sont tous dénués de vraie liberté, mais qui tous y aspirent et qui tous, plus ou moins, se laissent opprimer.