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noire, et l’esprit plus trébuchant. — Clerambault ne prenait pas son parti de se passer des autres.

Il résolut de faire le tour de ses amis. Il en avait beaucoup, dans le monde des lettres, de l’Université, de la bourgeoisie intelligente. Il ne se pouvait pas que, dans le nombre, il ne trouvât des esprits qui, comme lui, mieux que lui, eussent l’intuition des problèmes qui l’obsédaient et l’aidassent à les éclaircir ! Sans se livrer encore, timidement, il essaya de lire en eux, d’écouter, d’observer. Mais il ne s’apercevait pas que ses yeux étaient changés ; et la vision qu’il eut d’un monde, cependant bien connu, lui apparut nouvelle, et le glaça.

Tout le peuple des lettres était mobilisé. On ne distinguait plus les personnalités. Les Universités formaient un ministère de l’intelligence domestiquée ; il avait pour office de rédiger les actes du maître et patron, l’État. Les différents services se reconnaissaient à leurs déformations professionnelles.

Les professeurs de lettres étaient surtout experts au développement moral, en trois points, au syllogisme oratoire. Ils avaient la manie de simplification excessive dans le raisonnement, se payaient de grands mots pour raisons, et abusaient des idées claires, peu nombreuses, toujours les mêmes, sans ombres, sans nuances et sans vie. Il les décrochaient à l’arsenal d’une soi-disant antiquité classique, dont la clé était jalousement gardée, au cours des âges, par des générations de mamelouks académiques. Ces idées élo-