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Tolstoï est le disciple de ces grands créateurs religieux, de ces demi-dieux et de ces prophètes hindous, chinois et hébraïques. Il les défend — comme il sait défendre : en attaquant — contre ceux qu’il nomme « les Pharisiens » et « les Scribes » : contre les Églises établies et contre les représentants de la science orgueilleuse, ou plutôt « du philosophisme scientifique[1] ». Ce n’est pas qu’il fasse appel à la révélation contre la raison. Depuis qu’il est sorti de la période de troubles que racontent les Confessions, il est et reste essentiellement un croyant en la Raison, on pourrait dire un mystique de la Raison.

« Au commencement était le Verbe, répète-t-il avec saint Jean, le Verbe, Logos, c’est-à-dire la Raison[2]. »

Son livre De la Vie (1887) porte, en épigraphe, les lignes fameuses de Pascal[3] :

L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant… Toute notre


    né et que j’ai vécu parmi les chrétiens ; 2o parce que j’ai trouvé une grande jouissance d’esprit à dégager la pure doctrine des surprenantes falsifications opérées par les Églises. »

    Nous étudions, dans un chapitre spécial, à la fin du volume, la vaste synthèse religieuse de Tolstoï, où fraternisent toutes les grandes religions du monde. — Voir p. 214 : la Réponse de l’Asie à Tolstoy.

  1. Tolstoï proteste qu’il n’attaque pas la vraie science, qui est modeste et connaît ses limites. (De la Vie, ch. iv, trad. franç. de la comtesse Tolstoï.)
  2. Ibid., ch. x.
  3. Tolstoï relit fréquemment les Pensées de Pascal, pendant la période de crise, qui précède les Confessions. Il en parle dans ses lettres à Fet (14 avril 1877, 3 août 1879) ; il recommande à son ami de les lire.