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artistique et morale. Les Deux Hussards (1856)[1] ont des prétentions à l’élégance, un air fat et mondain, qui choque chez Tolstoï. Albert, écrit à Dijon en 1857[2], est faible et bizarre, dénué de la profondeur et de la précision qui lui sont habituelles. Le Journal d’un Marqueur (1856)[3], plus frappant, mais hâtif, semble traduire l’écœurement que Tolstoï s’inspire à lui-même. Le prince Nekhludov, son Doppelgänger, son double, se tue dans un tripot :

Il avait tout : richesse, nom, esprit, aspirations élevées ; il n’avait commis aucun crime ; mais il avait fait pire : il avait tué son cœur, sa jeunesse ; il s’était perdu, sans même avoir une forte passion pour excuse, mais faute de volonté.

L’approche même de la mort ne le change pas…

La même inconséquence étrange, la même hésitation, la même légèreté de pensée…

La mort… À cette époque, elle commence à hanter l’âme de Tolstoï. Trois Morts (1858-9)[4] annoncent déjà la sombre analyse de la Mort d’Ivan Iliitch, la solitude du mourant, sa haine pour les vivants, ses : « Pourquoi ? » désespérés. Le triptyque des trois morts — la dame riche, le

  1. T. iv des Œuvres complètes.
  2. T. v. des Œuvres complètes.
  3. Ibid.
  4. T. vi des Œuvres complètes.