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NOTE SUR LES ŒUVRES POSTHUMES
DE TOLSTOY[1]


Tolstoy laissait, en mourant, une quantité d’œuvres inédites. La plus grande partie en a été publiée depuis. Elles forment trois volumes de traduction française par J.-W. Bienstock (collection Nelson)[2]. Ces œuvres sont de toutes les époques de sa vie. Il en est qui remontent jusqu’en 1883 (Journal d’un fou). D’autres sont des dernières années. Elles comprennent des nouvelles, des romans, des pièces de théâtre, des dialogues. Beaucoup sont restées inachevées. Je les diviserais volontiers en deux classes : les œuvres que Tolstoy écrivait par volonté morale, et celles qu’il écrivait par instinct artistique. Dans un petit nombre d’entre elles, les deux tendances se fondent harmonieusement.

Malheureusement, il faut déplorer que le désintéressement de sa gloire littéraire, — peut-être même une secrète pensée de mortification — ait empêché Tolstoy de poursuivre la composition de ses œuvres qui s’annonçaient comme devant être les plus belles. Tel Le journal posthume du vieillard Féodor Kouzmitch. C’est la fameuse légende du tsar Alexandre ier, se faisant passer pour mort et s’en allant, sous un faux nom, vieillir en Sibérie, par expiation volontaire. On sent que Tolstoy s’était passionné pour le sujet et identifié avec son héros. On ne se console pas qu’il ne nous reste de ce « journal » que les premiers chapitres : par la vigueur et la fraîcheur du récit, ils valent les meilleures pages de Résurrection. Il y a là des portraits inoubliables (la vieille Cathe-

  1. Mme Tatiana Soukhotine, fille aînée de Tolstoy, m’a fait observer que la véritable orthographe du nom de Tolstoy en français était avec un y. Telle est en effet la signature de Tolstoy, dans la lettre que j’ai reçue de lui.
  2. Une autre édition, plus complète, a paru en 1925 chez l’éditeur Bossard (traduction de Georges d’Ostoya et Gustave Masson).