utile qu’elle puisse paraître à certains hommes, perd la plus grande partie de son importance, parce que ma vie n’est pas entièrement d’accord avec ce que je professe[1].
Que n’a-t-il donc réalisé cet accord ! S’il ne pouvait obliger les siens à se séparer du monde, que ne s’est-il séparé d’eux et de leur vie, — évitant ainsi les sarcasmes et le reproche d’hypocrisie, que lui ont jetés ses ennemis, trop heureux de son exemple et s’en autorisant pour nier sa doctrine !
Il y avait pensé. Depuis longtemps, sa résolution était prise. On a retrouvé et publié[2] une admirable lettre que, le 8 juin 1897, il écrivait à sa femme. Il faut la reproduire presque en entier. Rien ne livre mieux le secret de cette âme aimante et douloureuse :
Depuis longtemps, chère Sophie, je souffre du désaccord de ma vie avec mes croyances. Je ne puis vous forcer à changer ni votre vie ni vos habitudes. Je n’ai pas pu davantage vous quitter jusqu’à présent, car je pensais que, par mon éloignement, je priverais les enfants, encore très jeunes, de cette petite influence que je pourrais avoir sur eux, et que je vous ferais à tous beaucoup de peine. Mais je ne puis continuer à vivre comme j’ai vécu pendant ces seize
- ↑ À un ami, 10 décembre 1903.
- ↑ Figaro, 27 décembre 1910. La lettre fut, après la mort de Tolstoï, remise à la comtesse par leur beau-fils, le prince Obolensky, auquel Tolstoï l’avait confiée, quelques années auparavant. À cette lettre était jointe une autre, également adressée à la comtesse, et qui touchait à des sujets intimes de la vie conjugale. La comtesse la détruisit, après l’avoir lue.