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humain, mais, « s’ils en sont capables, de délivrer des souffrances leurs faibles femmes et leurs enfants. Personne ne les condamnera pour cela ». Ils ne doivent s’obstiner « que si l’esprit du Christ est ancré en eux, parce qu’alors ils seront heureux de souffrir[1] ». En tout cas, il prie ceux qui se font persécuter « de ne rompre, à aucun prix, leurs rapports affectueux avec ceux qui les persécutent[2] ». Il faut aimer Hérode, comme il l’écrit, dans une belle lettre à un ami :

Vous dites : « On ne peut aimer Hérode ». — Je l’ignore, mais je sens, et vous aussi, qu’il faut l’aimer. Je sais, et vous aussi, que si je ne l’aime pas, je souffre, qu’il n’y a pas en moi la vie[3].

Divine pureté, ardeur inlassable de cet amour, qui finit par ne plus se contenter des paroles mêmes de l’Évangile : « Aime ton prochain comme toi-même », parce qu’il y trouve encore un relent d’égoïsme[4] !

Amour trop vaste, au gré de certains, et si

  1. « Aux Doukhobors du Caucase, 1897 (Correspondance, p. 240).
  2. À Gontcharenko, 19 janvier. 1905 (Ibid., p. 264).
  3. À un ami, novembre 1901 (Ibid., p. 326).

    Sur la question de la Patrie, les écrits les plus importants de Tolstoï sont : L’esprit chrétien et le patriotisme, 1894 (trad. J. Legras, éd. Perrin) ; — Le patriotisme et le gouvernement, 1900 (trad. Birukoff, Genève) ; — Carnet du soldat, 1902 ; — La guerre russo-japonaise, 1904 ; — Salut aux réfractaires, 1909.

  4. « C’est comme une fente dans la machine pneumatique ; tout le souffle d’égoïsme qu’on voulait aspirer de l’âme humaine y rentre. »

    Et il s’ingénie à prouver que le texte original a été mal lu, et que la parole exacte du second Commandement était : « Aime ton prochain comme Lui-même (comme Dieu) ». (Entretiens avec Ténéromo.)