ces rayons de soleil qui transfigurent une humble scène de Rembrandt. Nulle sévérité, même pour les bourreaux. « Pardonnez-leur, Seigneur, ils ne savent ce qu’ils font »… Le pire est que, souvent, ils savent ce qu’ils font, ils en ont le remords, et ne peuvent point ne pas le faire. Il se dégage du livre le sentiment de l’écrasante fatalité qui pèse sur ceux qui souffrent, comme sur ceux qui font souffrir, — ce directeur de prison, plein de bonté naturelle, las de sa vie de geôlier, autant que des exercices de piano de sa fille chétive et blême, aux yeux cernés, qui massacre inlassablement une rapsodie de Liszt ; — ce général gouverneur d’une ville sibérienne, intelligent et bon, qui, pour échapper à l’insoluble conflit entre le bien qu’il veut faire et le mal qu’il est forcé de faire, s’alcoolise depuis trente-cinq ans, assez maître de lui toutefois pour garder de la tenue, même lorsqu’il est ivre ; — et la tendresse familiale qui règne chez ces gens, que leur métier rend sans entrailles à l’égard des autres.
Le seul des caractères qui n’ait point une vérité objective, est celui du héros, Nekhludov, parce que Tolstoï lui a prêté ses idées propres. C’était déjà le défaut — ou le danger — de plusieurs des types les plus célèbres de Guerre et Paix ou d’Anna Karénine : le prince André, Pierre Besoukhov, Levine, etc. Mais il était moins grave alors : car les personnages se trouvaient, par leur situation et leur âge, plus près de l’état d’esprit de Tolstoï. Au lieu qu’ici, l’auteur loge dans le corps