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pas qu’on ait jamais compris l’attitude de Tolstoï à l’égard de la musique.

Il s’en fallait de beaucoup qu’il ne l’aimât point. On ne craint ainsi que ce qu’on aime. Qu’on se souvienne de la place que tiennent les souvenirs musicaux dans Enfance et surtout dans Bonheur Conjugal, où tout le cycle d’amour, de son printemps à son automne, se déroule entre les phrases de la Sonate quasi una fantasia de Beethoven. Qu’on se souvienne aussi des symphonies merveilleuses qu’entendent chanter en eux Nekhludov[1] et le petit Pétia, la nuit avant sa mort[2]. Si Tolstoï avait appris fort médiocrement la musique[3], elle l’émouvait jusqu’aux larmes ; et il s’y livra avec passion, à certaines époques de sa vie. En 1858, il fonda à Moscou une Société musicale, qui devint plus tard le Conservatoire de Moscou.

Il aimait beaucoup la musique, écrit son beau-frère S.-A. Bers. Il touchait du piano et affectionnait les maîtres classiques. Souvent, avant de se mettre au travail[4], il s’asseyait au piano. Probablement y trouvait-il l’inspiration. Il accompagnait toujours ma sœur cadette, dont il aimait la voix. J’ai remarqué que les sensations provoquées en lui

  1. À la fin de la Matinée d’un Seigneur.
  2. Guerre et Paix. — Je ne parle pas d’Albert (1857), cette histoire d’un musicien de génie. La nouvelle est très faible.
  3. Voir dans Jeunesse le récit humoristique de la peine qu’il se donna pour apprendre à jouer du piano. — « Le piano m’était un moyen de charmer les demoiselles par ma sentimentalité.
  4. Il s’agit de 1876-77.