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des médecins, — ces « semeurs de crimes ». Mais son héros l’entraîne à une brutalité d’expressions, à une violence d’images charnelles, — toutes les ardeurs d’un corps luxurieux, — et par réaction, toutes les fureurs de l’ascétisme, la peur haineuse des passions, la malédiction à la vie jetée par un moine du moyen âge, brûlé de sensualité. Après avoir écrit son livre, Tolstoï lui-même fut épouvanté :

Je ne prévoyais pas du tout, dit-il dans sa Postface à la Sonate à Kreutzer[1], qu’une logique rigoureuse me conduirait, en écrivant cette œuvre, où je suis venu. Mes propres conclusions m’ont d’abord terrifié, je voulais ne pas les croire, mais je ne le pouvais pas… J’ai dû les accepter.

Il devait, en effet, reprendre, sous une forme sereine, les cris farouches du meurtrier Posdnicheff contre l’amour et le mariage :

Celui qui regarde la femme — surtout sa femme — avec sensualité, commet déjà l’adultère avec elle.

Quand les passions auront disparu, alors l’humanité n’aura plus de raison d’être, elle aura exécuté la Loi ; l’union des êtres sera accomplie.

Il montrera, en s’appuyant sur l’Évangile selon saint Mathieu, que « l’idéal chrétien n’est pas le

  1. La traduction française de cette Postface par M. Halpérine-Kaminsky a paru sous le titre : Des relations entre les sexes, dans le volume : Plaisirs vicieux.