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trois sentiments et leurs ramifications constituent presque exclusivement le sujet de l’art des riches.

Il infecte le monde, il pervertit le peuple, il propage la dépravation sexuelle, il est devenu le pire obstacle à la réalisation du bonheur humain. Il est d’ailleurs sans beauté véritable, sans naturel, sans sincérité, — un art affecté, fabriqué, cérébral.

En face de ce mensonge d’esthètes, de ce passe-temps de riches, élevons l’art vivant, l’art humain, celui qui unit les hommes, de toutes classes, de toutes nations. Le passé nous en offre de glorieux modèles.

Toujours la majorité des hommes a compris et aimé ce que nous considérons comme l’art le plus élevé : l’épopée de la Genèse, les paraboles de l’Évangile, les légendes, les contes, les chansons populaires.

L’art le plus grand est celui qui traduit la conscience religieuse de l’époque. N’entendez point par là une doctrine de l’Église. « Chaque société a une conception religieuse de la vie : c’est l’idéal du plus grand bonheur auquel tend cette société. » Tous en ont un sentiment plus ou moins clair ; quelques hommes d’avant-garde l’expriment nettement.

Il existe toujours une conscience religieuse. C’est le lit où coule le fleuve[1].

  1. (Ou, plus exactement :) « C’est la direction du cours du fleuve. »