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je mentionne Dieu ; je ne puis l’éviter, car il est la base même de ma pensée[1].

La comtesse est touchée, sans doute ; elle tâche de dissimuler son impatience ; mais elle ne comprend pas ; elle observe son mari avec inquiétude :

Ses yeux sont étranges, fixes. Il ne parle presque pas. Il semble n’être pas de ce monde[2].

Elle pense qu’il est malade :

Léon travaille toujours, à ce qu’il dit. Hélas ! il écrit des discussions religieuses quelconques. Il lit et réfléchit, jusqu’à se donner mal à la tête, et tout cela pour montrer que l’Église n’est pas d’accord avec la doctrine de l’Évangile. C’est à peine s’il se trouve en Russie une dizaine de personnes que cela puisse intéresser. Mais il n’y a rien à faire. Je ne souhaite qu’une chose : qu’il en finisse au plus vite, et que cela passe comme une maladie[3].

La maladie ne passa point. La situation devint de plus en plus pénible entre les deux époux. Ils s’aimaient, ils avaient l’un pour l’autre une estime profonde ; mais il leur était impossible de se comprendre. Ils tâchaient de se faire des concessions mutuelles, qui devenaient — comme c’est

  1. Été 1878. Voir Vie et Œuvre.
  2. 18 novembre 1878. Ibid.
  3. Novembre 1879. Ibid., trad. Bienstock.