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VIE DE RAMAKRISHNA

au culte de l’héroïque et vertueux Rama. Le père, Khudiram, d’une probité antique, s’était fait dépouiller de tout ce qu’il possédait, pour avoir refusé de porter un faux témoignage, au profit du grand propriétaire qu’il servait. Les dieux le visitaient. Déjà sexagénaire, il fit un pèlerinage à Gaya, la terre sainte, que marquait l’empreinte du pied de Vishnu. « Le grand Sauveur » lui apparut, la nuit. Il disait : « Je reprends ma naissance, pour sauver l’humanité. »

Au même moment, à Kamarpukur, sa femme, Chandramani, sur sa couche solitaire, rêvait d’un Dieu qui l’étreignait. Au temple de Çiva, en face de sa chaumière, l’image divine sous ses yeux s’animait ; un jet de lumière la pénétrait ; et, sous l’assaut, Chandramani, terrassée, défaillait. Quand se réveillait la proie du Seigneur, elle était enceinte. Son mari, revenant, la retrouvait transfigurée. Elle entendait des voix. Elle portait un Dieu[1].

Le petit enfant naquit (18 février 1836). Ce fut celui que le monde connut plus tard, sous le nom de Ramakrishna. Mais son gai nom d’enfant, qui danse comme un grelot, tintait : Gadadhar.

Il était un garçonnet plein de vie et de joie, malicieux et charmant, d’une grâce féminine, qu’il a toujours gardée. Et nul ne se doutait — et lui moins que tout autre — des espaces infinis, des abîmes ouverts, dans ce petit corps d’enfant riant qui tourbillonnait. Ils se révélèrent à lui, quand il avait six ans. Un jour, en juin-juillet (1842), il allait en flânant, avec son repas d’oiseau, un peu de riz soufflé, qu’il emportait dans un pan de son vêtement. Il se rendait aux champs, où travaillait son père…

« Je suivais un étroit sentier, séparant les rizières… Je levai les yeux au ciel, tout en croquant mon riz !

  1. Les légendes de l’Inde célèbrent plus d’une Immaculée Conception.