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Éloigné de leurs partis, je me refuse à voir ce qui les oppose : à la distance d’où je suis, les barrières des champs se fondent en l’immense étendue. Je ne vois qu’un même fleuve, un majestueux « chemin qui marche », comme dit notre Pascal. Et c’est parce que nul homme n’a, aussi pleinement que Ramakrishna, non seulement conçu, mais réalisé en soi la totale Unité de ce fleuve de Dieu, ouvert à toutes les rivières et à tous les ruisseaux, que je lui voue mon amour. Et j’ai puisé en lui un peu de son eau sacrée, afin de désaltérer la grande soif du monde.

Mais je ne m’arrête point, penché au bord du flot. Je poursuis ma marche, avec le flot jusqu’à la mer. Laissant, à chaque détour du fleuve où la mort a dit : « Halte ! » à l’un de ceux qui nous guident, agenouillés les fidèles, j’accompagne le fleuve. Et je lui rends hommage, de la source à l’estuaire. Sainte est la source, saint est son cours, saint est l’estuaire. Et nous étreindrons, avec le fleuve, les affluents, petits et grands, et l’Océan — toute la masse en mouvement du Dieu vivant.

Noël 1928.
R. R.