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chaque instant. La religion n’est jamais une œuvre accomplie. Elle est l’acte et la volonté d’agir, sans repos. Elle est le jaillissement de la source. Jamais l’étang.

Je suis d’un pays de rivières. Je les aime comme des êtres vivants. Et je comprends mes ancêtres qui leur versaient le vin et le lait. Or, de toutes les rivières, la plus sacrée est celle qui sourd, à tous moments, du fond de l’âme, de ses basaltes, de ses sables, et de ses glaciers. Là est la Force première, que je nomme religieuse. Elle est commune à l’art et à l’action, aux sciences et aux religions, à tout ce fleuve de l’Âme, que de l’insondable et sombre réservoir, entraîne l’irrésistible pente vers l’océan de l’Être, conscient, réalisé, dominé. Et, de même que l’eau remonte ensuite en vapeurs, de la mer aux nuées du ciel, qui réalimentent le réservoir des fleuves, les cycles de création s’enchaînent sans interruption. Et de la source à la mer, et de la mer à la source, tout est la même Énergie, l’Être, sans début ni fin, qu’il m’est indifférent qu’on nomme Dieu (et quel Dieu ?) ou Force (et quelle Force ? Fût-elle dite Matière, quelle matière, est-ce donc qui désigne également les énergies de l’Esprit ?…) Des mots, des mots !… L’essence est l’Unité, non pas abstraite, mais vivante. Et c’est elle que j’adore, ainsi que les grands croyants et les grands ignorants, qui la portent en eux, conscients ou inconscients.