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part, dénués de sens religieux (c’est leur droit !) se jugent trop souvent désignés pour combattre et nier le droit à exister des âmes religieuses. On en voit qui s’acharnent à de vaines démolitions systématiques de la religion, sans paraître s’aviser qu’ils s’attaquent à ce qu’ils ne connaissent pas. Car que sert de raisonner de la religion, d’après le seul revêtement des textes historiques ou pseudo-historiques, que le temps a effrité ou recouvert de son enduit ? Autant expliquer le fait intérieur de conscience psychologique par la dissection des organes matériels, qui en sont les instruments. Cette confusion faite par nos « rationalistes » du signe d’expression avec l’énergie de pensée, me semble aussi illusoire que celle, commune aux religions d’autrefois, identifiant les puissances magiques avec les mots, les syllabes, ou les lettres qui les désignaient.

La première condition pour connaître, juger, et, si l’on veut, combattre la ou les religions, est d’avoir expérimenté sur soi-même le fait de conscience religieuse. Et tous ceux qui ont passé par la profession religieuse ne sont même pas qualifiés pour en parler : car s’ils sont sincères, ils reconnaîtront que le fait de conscience religieuse et la profession religieuse sont deux. Bien des prêtres fort honorables sont des croyants par obéissance, ou par raisonnement prudent et paresseux, qui n’ont jamais senti le besoin de l’expérience religieuse, ou, n’ayant pas la force, ont évité de la tenter. Et nombre d’esprits qui sont ou se croient libres de toute religion, vivent baignés dans un état de conscience suprarationnelle,