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un des plus grands d’entre eux, celui dont nous racontons ici même la vie : « Je ne reconnais pas d’autre signe de supériorité que la bonté. » Où le caractère n’est pas grand, il n’y a pas de grand homme, il n’y a même pas de grand artiste, ni de grand homme d’action ; il n’y a que des idoles creuses pour la vile multitude : le temps les détruit ensemble. Peu nous importe le succès. Il s’agit d’être grand, et non de le paraître.

La vie de ceux dont nous essayons de faire ici l’histoire, presque toujours fut un long martyre. Soit qu’un tragique destin ait voulu forger leur âme sur l’enclume de la douleur physique et morale, de la misère et de la maladie ; soit que leur vie ait été ravagée, et leur cœur déchiré par la vue des souffrances et des hontes sans nom dont leurs frères étaient torturés, ils ont mangé le pain quotidien de l’épreuve ; et s’ils furent grands par l’énergie, c’est qu’ils le furent aussi par le malheur. Qu’ils ne se plaignent donc pas trop, ceux qui sont malheureux : les meilleurs de l’humanité sont avec eux. Nourrissons-nous de leur vaillance ; et, si nous sommes trop faibles, reposons un instant notre tête sur leurs genoux. Ils nous consoleront. Il ruisselle de ces âmes sacrées un torrent de force sereine et de bonté puissante. Sans même qu’il soit besoin d’interroger