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avec les générations qui les avaient précédés ; ils ne partageaient en rien leurs passions, leurs espoirs et leurs haines ; ils assistaient à l’action frénétique, comme des hommes à jeun regardent ceux qui ont bu. Mais que pouvaient-ils contre elle ? Beaucoup avaient fondé de petites revues, dont la vie éphémère s’éteignait, aux premiers numéros, faute d’air ; la censure faisait le vide ; toute la pensée de France était sous la cloche pneumatique. Les plus distingués d’entre ces jeunes gens, trop faibles pour se révolter et trop fiers pour se plaindre, se savaient livrés d’avance au couteau de la guerre. En attendant leur tour à l’abattoir, ils regardaient et jugeaient en silence, chacun pour soi, avec un peu de mépris et beaucoup d’ironie. Par réaction dédaigneuse contre la