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8. — L’OBJECTION DE CONSCIENCE DOIT ÊTRE,
NON INDIVIDUALISTE ET LIBERTAIRE, MAIS SOCIALE.

(Pour la libération de l’Objecteur de conscience, Eugène Guillot[1].)


Ami de Tolstoï et de Gandhi, j’ai toujours soutenu le droit sacré à l’objection de conscience. Il va donc de soi que je demande que ce droit soit respecté en Eugène Guillot et que celui-ci soit libéré du service militaire.

Mais la rédaction de votre protestation ne me satisfait point, et je ne puis la signer sous cette forme. Il serait trop long de relever ici tous les passages qui m’en paraissent discutables. Je note seulement celui-ci, dans une lettre de Guillot : « Étant libertaire, je ne conçois pas l’idée de Patrie ; et partant, je n’ai donc rien à défendre que moi-même. »

Je n’admets pas cette conséquence ou cette alternative. Qu’on accepte ou non l’idée de Patrie, un homme n’est jamais seul, et il doit tenir compte de la communauté. Son objection de conscience ne vaut pas pour lui seul, mais pour la communauté, et c’est elle qu’il défend, en défendant sa propre conscience.

Il est d’une extrême maladresse de donner à une revendication hautement sociale la forme d’une défense strictement individuelle. Et si telle est la thèse du libertarisme, je ne puis l’accepter.

  1. 8 janvier 1930. Réponse à un groupement d’antimilitaristes et de libertaires français.