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conscience qu’elles seraient un moindre mal, une moindre violence que la violence qui éclaterait, si lui et les siens n’agissaient point : s’ils s’abstenaient, ils laisseraient le champ libre aux forces sauvages inorganisées.

Il faut oser voir virilement les nécessités de l’action et les conséquences des décisions que l’on a prises. Si l’on veut effectivement lutter contre la guerre, il est tout à fait insuffisant qu’une élite de consciences se refuse individuellement à la guerre. Dès le premier pas que l’on est amené à faire dans l’action, on doit en venir fatalement à la contrainte qu’il faut exercer sur les industries de guerre et sur leurs immenses ramifications. Il faut briser la guerre, en lui brisant les quatre membres, — bras et jambes. On ne peut le faire sans le concours et les grandes grèves des ouvriers des usines, des docks et des transports. Or, en temps de guerre, ils sont immédiatement mobilisés. Leur refus constitue donc une révolte militaire, qui tombe sous le coup des plus impitoyables répressions. — Nourrissez-vous l’illusion que ces peuples d’ouvriers se laisseront broyer sans résistance ? En admettant qu’un idéal religieux prétendît qu’ils se laissassent massacrer, les bras croisés, comme l’antique Légion Thébaine, qui de vous se sent de taille à leur infuser cette foi d’héroïque immolation ? Prêchez-la leur, si vous pouvez, et partagez leur sort ! Mais si vous parveniez à la répandre parmi une minorité de croyants, prétendez-vous que les millions d’autres ne répondent pas à la violence par la violence, et oseriez-vous les désavouer ? En ce cas, il est plus loyal de ne jamais déclencher ces mouvements de grève et de refus collectif : car, une fois déclenchés, il en faudra subir les conséquences ; et, que vous les ayez ou non voulues, vous en devrez porter les responsabilités, ainsi que Gandhi l’a toujours fait.