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j’ai vu se dégager leur essence vivante des sophismes insidieux ou hostiles, qui s’enroulaient autour d’elles, comme un lierre, et, dans l’action, les tuaient. L’action m’a appris qu’on peut, qu’on doit se tenir « au-dessus de la mêlée » des nations, et revendiquer sa place dans le combat social ; — que qui défend la paix, est tenu de dénoncer « la piraterie de la paix » ; — que de se faire le porte-voix de « l’indépendance de l’esprit », n’est pas autoriser les privilèges de l’esprit égoïste, qui prétend se séparer, comme une caste, de la masse des travailleurs, — que lorsqu’on dit adieu à la vieille patrie nationaliste, c’est pour mieux saluer la venue de la nouvelle patrie internationale ; — et qu’on peut être enfin l’auteur de Clerambault, et vouloir que, contre la réaction fasciste et contre la guerre, le refus de conscience donne la main à la Révolution prolétarienne.

La plupart de ces thèses (au sens strict de positions de l’esprit, commandées par les faits) s’expriment dans les articles qu’on lira plus loin. Mais il sera utile que je commente ici la première, — « l’au-dessus de la mêlée », — que des milliers de lecteurs, plus désireux de condamner ou d’apologiser que de comprendre, se sont victorieusement appliqués à lire de travers. Et du coup, s’éclairera la seconde formule, fille de la première, qui n’a pas eu moindre fortune et infortune : « l’indépendance de l’esprit ». C’est un coup de barre nécessaire, afin de remettre l’esprit dans la vraie direction, qu’il a trop souvent perdue. — Et vogue la galère !…

Dès la fin de la guerre, la paix non encore signée, j’ai été amené à fixer les limites de l’« au-dessus de la mêlée », par le heurt amical d’une correspondance avec Bernard Shaw.

Je venais de rédiger la Déclaration d’indépendance de