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discours sur l’origine de l’inégalité

un sultan est un acte aussi juridique que ceux par lesquels il disposait la veille des vies et des biens de ses sujets. La seule force le maintenait, la seule force le renverse : toutes choses se passent ainsi selon l’ordre naturel.

…Il suit de cet exposé que l’inégalité, étant presque nulle dans l’état de nature, tire sa force et son accroissement du développement de nos facultés et des progrès de l’esprit humain, et devient enfin stable et légitime par l’établissement de la propriété et des lois. Il suit encore que l’inégalité morale, autorisée par le seul droit positif, est contraire au droit naturel toutes les fois qu’elle ne concourt pas en même proportion avec l’inégalité physique ; distinction qui détermine suffisamment ce qu’on doit penser à cet égard de la sorte d’inégalité qui règne parmi tous les peuples policés, puisqu’il est manifestement contre la loi de nature, de quelque manière qu’on la définisse, qu’un enfant commande à un vieillard, qu’un imbécile conduise un homme sage, et qu’une poignée de gens regorge de superfluités, tandis que la multitude affamée manque du nécessaire.