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cer au fléau de la boisson, il était autrement grave d’assurer à l’Inde les moyens de subsistance. Comment se nourrirait-elle ? Comment se vêtirait-elle, une fois rejetés les produits européens ? La recette de Gandhi est d’une simplicité extrême, où s’accusent les tendances médiévales de son esprit : il veut qu’on rétablisse dans toutes les familles de l’Inde la vieille industrie domestique du Rouet (charkâ).

On a pu tourner en dérision cette solution patriarcale de la question sociale[1]. Mais il faut tâcher de comprendre les conditions spéciales de l’Inde, et le sens exact que Gandhi donne à la charkâ. Il n’a jamais prétendu que le filage fût un moyen suffisant de vivre, sauf pour les très pauvres, mais une industrie auxiliaire de l’agriculture, quand celle-ci est suspendue. Le problème n’est pas théorique ; il est poignant et urgent : 80% de la population de l’Inde sont agricoles et n’ont pas d’occupations pendant quatre mois de l’an-

  1. Gandhi lui-même sait qu’on rira de lui. Mais, dit-il, l’aiguille a-t-elle cédé la place à la machine à coudre, ou la main à la machine à écrire ? Le rouet n’a rien perdu de son utilité. Et il est actuellement une nécessité nationale, la seule ressource possible pour les millions d’affamés (21 juillet 1920).