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assuré sa sagesse et son bien. Il nous faut revenir à la simplicité antique, non d’un seul coup, sans doute, mais peu à peu, patiemment, chacun donnant l’exemple…[1]

Ceci est le fond de la pensée ; et c’est grave. Elle suppose la négation du Progrès, et presque de la science d’Europe[2]. Cette foi médiévale risque donc de se heurter à la poussée volcanique de l’esprit humain et d’être mise en pièces. Mais d’abord, il serait peut-être prudent de dire, non pas : « de l’esprit humain », mais : « d’un esprit humain » : car si l’on peut croire — (et je crois) — à l’unité symphonique de l’esprit universel, elle est faite de bien des voix diverses, qui suivent chacune sa partie ; et notre jeune Occident, emporté par son rythme, ne songe pas assez qu’il n’a pas toujours mené la symphonie, que sa loi du progrès est sujette à éclipses, à mouve-

  1. Hind Swarâj, passim.
  2. Gandhi tâche de sauvegarder, à défaut de la science européenne, la nécessité des recherches scientifiques et leur stricte discipline. Il admire le zèle et le sacrifice des hommes de science européens, qu’il trouve souvent supérieurs à ceux des hommes de foi hindous. Il respecte l’esprit ; il conteste seulement le chemin que cet esprit a choisi. — Mais en dépit de ces réserves, l’antagonisme est évident. Et là-dessus Tagore, comme nous le verrons, élève une juste protestation contre le médiévalisme de Gandhi.