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jamais avant. Mon seul salut est dans mon impudence. J’ai averti mes amis du Congrès que je suis incorrigible. Chaque fois que le peuple commettra des bévues, je continuerai à les confesser. Le seul tyran que je reconnaisse en ce monde est la « petite voix silencieuse » (the still small voice), qui est au-dedans de nous. Et même si je devais envisager une minorité d’un seul, j’aurais le courage d’être de cette minorité désespérée. C’est là pour moi le seul parti sincère. Je suis aujourd’hui un homme plus triste et, je le crois, plus sage. Je vois que notre Non-violence est à fleur de peau. Nous brûlons d’indignation. Le gouvernement l’alimente par ses actes insensés. On dirait presque qu’il désire voir ce pays couvert de meurtres, d’incendies et de rapines, afin de pouvoir prétendre qu’il est le seul capable de les réprimer. Notre Non-violence me paraît due à notre impuissance : comme si, dans nos cœurs, nous caressions le désir de nous venger, dès que nous en aurons l’occasion. Est-ce que la Non-violence volontaire peut sortir de cette Non-violence forcée des faibles ? N’est-ce pas une expérience vaine que je suis en train de tenter ?… Et si, quand la fureur éclatera, pas un ne restait indemne, si la main de chacun se levait contre son prochain, à quoi servirait-il alors que je jeûne à en mourir, après un tel désastre ?… Si vous n’êtes pas capables de la Non-violence, adoptez loyalement la violence ! Mais pas d’hypocrisie[1] ! La majorité prétend accepter la Non-violence… Qu’elle

  1. Il était devenu clair pour Gandhi qu’une partie de sa majorité, qui soutenait la Non-violence, n’y voyait, secrètement, qu’un expédient politique, masquant la préparation à la violence. Ils parlaient doucereusement, dit Gandhi, de