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haut des siècles. L’oiseau-poète, l’alouette de grandeur d’aigle, (comme disait Heine d’un géant de notre musique), chante sur les ruines du Temps. Il vit dans l’éternel. Mais le présent est pressant. L’heure qui passe veut à ses âpres souffrances un soulagement immédiat, imparfait — mais coûte que coûte ! Et sur ce point, Gandhi, qui manque des envolées de Tagore (ou, qui peut-être, Bôdhisattva de la Pitié, y a renoncé pour vivre avec les déshérités), a beau jeu pour répondre.

Il le fait, cette fois, avec plus de passion qu’il n’en avait montré dans cette noble joûte. Sa réponse ne tarde point ; elle paraît, le 13 octobre, dans Young India, et elle est pathétique. Gandhi remercie la grande sentinelle[1] de mettre l’Inde en garde contre certains dangers. Il est d’accord avec lui sur la nécessité du libre jugement :

« On ne doit donner sa raison à garder à personne. L’abandon aveugle est souvent plus nuisible que la soumission forcée au fouet du tyran. Il y a encore de l’espoir pour l’esclave de la brute ; il n’y en pas pour celui de l’amour. »

  1. The great sentinel, titre de l’article du 13 octobre 1921.