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LES PRÉCURSEURS

des Zofingiens, Julius Schmidhauser, qui a conduit et résumé ces débats, les termine par un Appel aux frères, pour qu’ils osent hardiment croire, agir, chercher de nouveaux chemins pour une nouvelle Suisse, — pour une nouvelle humanité.

J’ai tenu à m’effacer entièrement derrière ces jeunes gens. Je ne veux pas, en substituant ma pensée à la leur, tomber sous le reproche que j’adresse à ma génération. Je les ai laissés parler seuls. Tout commentaire affaiblirait la beauté du spectacle de cette jeunesse enthousiaste et sérieuse, discutant longuement, ardemment, ses devoirs, dans cette heure tragique de l’histoire, prenant conscience de sa foi, et l’affirmant avec solennité, en une sorte de Serment du Jeu de Paume : foi dans la liberté, dans la solidarité des peuples, dans leur mission morale, dans la tâche qui s’impose d’écraser l’hydre de l’impérialisme, extérieur et intérieur, militariste et capitaliste, de bâtir une société plus juste et plus humaine.

Je lui adresse mon fraternel salut. Sa voix n’est pas isolée dans l’univers. Partout, j’entends l’écho lui répondre ; partout, je vois se lever des jeunesses qui lui ressemblent, et qui lui tendent leurs mains.

L’épreuve de cette guerre qui, en voulant écraser les âmes libres, n’a réussi qu’à leur faire sentir davantage le besoin de se chercher et de s’unir, m’a mis en rapports étroits avec les jeunes gens de tous les pays — d’Europe et d’Amérique — voire même d’Orient et d’Extrême-Orient. Chez tous, j’ai retrouvé la même communion de souffrances et d’espoirs, les mêmes aspirations, les mêmes révoltes, la même volonté de briser avec un passé qui a fait ses preuves de malfaisance et d’imbécillité, la même ambition sacrée de reconstruire la société hu-