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LES PRÉCURSEURS

du pharisaïsme, ils conviennent que la Suisse est loin encore d’être une vraie démocratie. « La démocratie d’aujourd’hui est purement formelle ; et le principe de la véritable démocratie est aujourd’hui, en quelque sorte, révolutionnaire ».

Ils énoncent quelques-uns de leurs vœux : Contrôle démocratique de la politique étrangère ; pacifisme sur base démocratique. En presque toute l’Europe, la politique est livrée à une poignée d’hommes qui incarnent l’égoïsme impérialiste. Il faut que le peuple y ait part. Chaque peuple a le droit de diriger ses destinées, d’après ses idées et sa volonté.

Mais là encore, pas d’illusions ! Avec une claivoyance bien rare en ce moment, ces jeunes gens remarquent que « l’impérialisme est devenu démocratique. » « Les démocraties d’Occident, à les voir de près, ne sont que la souveraineté d’une caste capitaliste et agrarienne. »

Voici pourtant que la Révolution russe vient susciter des espérances : « Le spectacle du combat entre les deux révolutions démocratiques en Russie, l’une qui est capitaliste et impérialiste, l’autre qui est anti-impérialiste et socialiste, éclaire le problème de la démocratie et de l’impérialisme ; il montre sa voie et sa mission à la démocratie suisse. » Avant tout, que la Suisse rejette le nouvel Évangile, venu d’Allemagne, d’une démocratie aplatie devant la volonté de puissance politico-économique, une démocratie qui tend, à l’intérieur, à la domination d’une classe, au dehors, à l’impérialisme ! « Il faut une nouvelle orientation, qui délivre la pensée démocratique de toute limitation nationale, de toute tendance criminelle, comme c’est le cas aujourd’hui, au règne de la force matérielle. » Il faut dresser la vraie démocratie supranationale contre « l’impérialisme déguisé en démocratie » (gegen demokratisch verkappten Imperialismus).