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XXIV

Lettre ouverte au président Wilson

Monsieur le Président,


Les peuples brisent leurs chaînes. L’heure sonne, par vous prévue et voulue. Qu’elle ne sonne pas en vain ! D’un bout à l’autre de l’Europe, se lève, parmi les peuples, la volonté de ressaisir le contrôle de leurs destinées et de s’unir pour former une Europe régénérée. Par dessus les frontières, leurs mains se cherchent, pour se joindre. Mais entre eux sont toujours les abîmes ouverts de méfiances et de malentendus. Il faut jeter un pont sur ce gouffre. Il faut rompre les fers de l’antique fatalité qui rive ces peuples aux guerres nationales et les fait, depuis des siècles, se ruer aveuglément à leur mutuelle destruction. Seuls, ils ne le peuvent point. Et ils appellent à l’aide. Mais vers qui se tourner ?

Vous seul, Monsieur le Président, parmi tous ceux qui sont chargés à présent du redoutable honneur de diriger la politique des nations, vous jouissez d’une autorité morale universelle. Tous vous font confiance. Répondez à l’appel de ces espoirs pathétiques ! Prenez ces mains qui se tendent, aidez-les à se rejoindre. Aidez ces peuples, qui tâtonnent, à trouver leur route, à fonder la charte nouvelle d’affranchissement et d’union, dont ils cherchent passionnément, confusément, les principes.