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LES PRÉCURSEURS

comme il l’écrit lui-même, contre celle des Ludendorff et autres usurpateurs, à la « politique de Tartares ».

« Das werdende Europa » a, dit-il, pour objet, « d’éveiller l’amour pour notre nouvelle, notre plus grande patrie, l’Europe… Nous voulons que tous les peuples européens deviennent les membres utiles et heureux de cette nouvelle organisation. » — Or, l’avenir de l’Europe dépend essentiellement de l’état de l’Allemagne, qui, par sa méconnaissance brutale des principes européens, maintient la vieille politique de l’isolement armé. Le premier but doit donc être la libération de l’Allemagne.

Le premier numéro de la revue comprend un article de présentation par le prof. Kristoffer Nyrop, membre de la royale Académie danoise, — des pages intéressantes du Dr Alfred H. Fried et du bourgmestre de Stockolm, Cari Lindhagen. Mais le morceau de résistance est un long article de Nicolaï, qui remplit les trois quarts du numéro : « Warum ich aus Deutschland ging. Offener Brief an denjenigen Unbekannten, der die Macht hat in Deutschland. » (« Pourquoi je suis sorti d’Allemagne, — lettre ouverte à cet Inconnu, qui a le pouvoir en Allemagne. ») Ce sont les Confessions d’une grande conscience, que l’on veut asservir, et qui brise ses chaînes.

Nicolaï commence par expliquer comment il en est venu à cet acte qui lui a tant coûté : l’abandon de sa patrie en danger. Il exprime en termes touchants, son amour pour le Mutterland, (qu’il oppose au Vaterland, l’Europe), pour la terre maternelle, et tout ce qu’il lui doit. Il ne s’est arraché à elle que parce que c’était l’unique moyen de travailler à son affranchissement. En Allemagne même, on ne peut rien : quatre ans d’épreuves le lui ont prouvé. Le Droit est ligoté ; l’Allemagne n’est plus un Rechtsstaat ; l’oppression y est