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LES PRÉCURSEURS

îlôts de civilisation, disséminés sur le reste du globe. Il est ridicule que les nations de l’Occident européen s’évertuent à trouver entre elles des différences profondes, à l’heure même où elles n’ont jamais été plus semblables les unes aux autres par leurs qualités et leurs défauts, — où leur pensée et leur littérature offrent le moins de caractères distinctifs, — où partout se fait sentir une égalisation monotone des intelligences, — partout, des personnalités peu tranchées, élimées, fatiguées. J’oserai dire que toutes, mises ensemble, ne suffiraient pas encore à nous donner l’espoir du renouveau d’esprit, auquel la terre a droit, après ce formidable ébranlement. Il faut aller jusqu’en Russie — ces grandes portes ouvertes sur le monde de l’Est, — pour recevoir sur sa face les souffles nouveaux qui viennent, — (dans tous les ordres de la pensée).

Élargissons l’humanisme, cher à nos pères, mais dont le sens a été rétréci à celui de manuels gréco-latins. De tous temps, les États, les Universités, les Académies, tous les pouvoirs conservateurs de l’esprit, ont tâché d’en faire une digue contre les assauts de l’âme nouvelle, en philosophie, en morale, en esthétique. — La digue est ébranlée. Les cadres d’une civilisation privilégiée sont désormais brisés. Nous devons prendre aujourd’hui l’humanisme dans sa pleine acception, qui embrasse toutes les forces spirituelles du monde entier : — Panhumanisme.

Que cet idéal, qui s’annonce çà et ià, dans quelques esprits d’avant-garde, ou dans la fondation, en pleine guerre, de centres d’études pour la culture mondiale,