pendent Labour Leader et de l’Union of Democratic Control, ces hauts esprits indépendants, Bertrand Russel, E.-D. Morel, Norman Angell, Bernard Shaw, — de trop rares Allemands, persécutés, — les socialistes italiens, les socialistes russes, le maître de la Misère et de la Pitié, Gorki, — et quelques libres Français.
Cette tâche n’est point celle que je me suis assignée. Ma tâche est de rappeler aux frères ennemis d’Europe non ce qu’ils ont de pire, mais ce qu’ils ont de meilleur, — les motifs d’espérer en une humanité plus sage et plus aimante.
Certes, le spectacle présent est bien fait pour qu’on doute de la raison humaine. Pour le grand nombre de ceux qui s’étaient endormis béatement sur la foi au progrès, sans retours en arrière, le réveil a été dur ; et sans transition, ils passent de l’absurde excès d’un optimisme paresseux au vertige d’un pessimisme qui n’a plus de fond. Ils ne sont pas habitués à regarder la vie sans parapets. Une muraille d’illusions complaisantes les empêchait de voir le vide au-dessus duquel serpente, accroché au rocher, l’étroit sentier de l’humanité. Le mur s’écroule par places, et le sol est peu sûr. Il faut passer pourtant. On passera. Nos pères en ont vu bien d’autres ! Nous l’avons trop oublié. Les années où nous avons vécu furent, à part quelques heurts, un âge capitonné. Mais les âges de tourmente ont été plus fréquents que les âges de calme ; et ce qui se passe aujourd’hui n’est atrocement anormal que pour ceux qui sommeillaient dans la tranquillité anormale d’une société sans prévoyance et sans mémoire. Pensons à tout ce qu’ont vu les yeux du passé, du Bouddhâ libérateur, des Orphiques adorant Dionysos-Zagreus, dieu des innocents qui souffrent et qui seront vengés, de Xénophane d’Élée qui assista à la ruine de sa patrie par Cyrus, de Zénon torturé, de Socrate empoisonné, de Platon qui rêvait sous les Trente Tyrans, de Marc Aurèle qui sou-