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LES PRÉCURSEURS

souple, qui tienne compte non seulement des besoins actuels de l’âme humaine, mais de son développement futur. Car toutes les autres religions, ayant leurs racines dans la tradition et voulant lier l’homme au passé, se sont figées dans le dogmatisme et sont devenues, avec le temps, un obstacle à l’évolution naturelle. Où trouver une base de croyance et de morale, qui soit à la fois absolue et susceptible de changement, au-dessus de l’homme et pourtant humaine, idéale et pourtant réelle ? — C’est, répond Nicolaï, dans l’Humanité même. L’Humanité est pour nous une réalité qui se développe au cours des siècles, mais qui à tout instant représente pour nous un absolu. Elle évolue dans une direction qui, fortuite ou non, ne peut être changée, une fois qu’elle est donnée. Elle embrasse à la fois le passé, le présent et l’avenir. C’est une unité reliée par le temps, un vaste ensemble dont nous ne sommes qu’un fragment. Être humain, signifie comprendre ce développement, l’aimer, espérer en lui, et chercher à y participer consciemment. Il y a là une morale incluse, que Nicolaï résume ainsi :

1. La communauté des hommes est le divin sur terre, et le fondement de la morale ;

2. Être un homme, c’est sentir en soi la réalité de l’humanité totale. C’est sentir, comme une loi vivante, qu’on est une partie de cet organisme supérieur ou (selon l’intuition admirable de Saint-Paul), que « nous sommes tous un seul corps et que nous sommes, chacun, les membres les uns des autres ».

3. L’amour du prochain est un sentiment de bonne santé organique. L’amour général de l’humanité est le sentiment de santé organique de l’humanité entière, qui se reflète dans un de ses membres. Aimez donc et honorez la communauté humaine et tout ce qui l’entretient et la fortifie, le travail, la vérité, les instincts bons et sains.