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n’avait pas entendu, et remise en selle, elle reprit sa course et son récit. Annette écoutait sans broncher, même quand son fils était en cause, — sauf à mettre sa main sur la bouche de Assia, pour lui bloquer des brutalités de langage inutiles, que la sauvage lâchait sans retenue, comme les crapauds dans le conte de fées :

— « Ne salis point ta bouche ! »

— « La saleté est dans mon cœur. Je la crache », dit Assia, frottant sa bouche contre la paume de la main. Elle n’était pas femme à nier que sale fût la saleté ; mais elle apportait à l’étaler un orgueil à rebours, cette complaisance cachée de tant de femmes d’aujourd’hui à mettre à l’air leurs turpitudes, comme ces loques sales qui sont tendues en bannières dans les rues du Midi. C’est un Ersatz pour l’ancien abus des confessions impudiques au guichet de l’écouteur complaisant en surplis, dans l’ombre entremetteuse de l’église. Annette dit :

— « Rentre ton linge ! Ne l’égoutte pas sur la tête des passants ! »

La bouche ouverte de Assia n’acheva point la phrase commencée. Elle était interloquée et vexée. Elle fut sur le point de riposter. Puis, elle ricana, malgré son dépit et son chagrin. Et elle dit :

— « Où voulez-vous que je le mette ? » (Elle montrait son taudis.) « Je n’ai pas de panier. »

— « Au feu ! Au feu ! » dit Annette. « Et tu ne ferais pas mal d’y jeter tout ce qui est ici. »

— « Et moi aussi », dit Assia. « S’il ne tenait qu’à moi ! Mais je ne vois pas pourquoi je n’y jetterais pas alors tout Paris ! »

— « Patience ! » fit Annette. « Mais occupons-nous de nous, d’abord ! »

L’entretien reprit, sur un autre ton. Assia avait