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Assia blêmit, elle frémit de tout son corps, son expression dure et figée se convulsa, et elle éclata en sanglots. L’effort qu’elle faisait pour les renfoncer lui modelait un masque d’une laideur grotesque. Mais Annette ne songeait pas à le trouver laid : il lui était plus émouvant que le plus beau visage. Elle se jeta sur elle et l’embrassa. Assia, crispée des mains à la table, la laissait faire, le corps secoué de hoquets, et reniflant, les joues trempées, les yeux et le nez ruisselants. Annette baisa ces joues, ces yeux, ce nez. Assia, vaincue, appuya son lourd front sur l’épaule de la mère, et elle essuyait son visage contre la robe.

Quand ses gros pleurs furent soulagés, Annette s’assit avec elle, cherchant une place, sur le lit défait, et elle lui tenait ses mains crispées, dont les ongles lui entraient, par coups de violence, dans la peau. Elles n’avaient pas encore échangé vingt mots. Rien n’était dit. Tout était dit. Annette ne sollicitait pas de confession, elle n’était pas de ces bonnes femmes qui ont besoin de questionner : — « Ma pauvre petite, et comment cela s’est-il passé ? » — Elle le savait trop, l’histoire n’a jamais rien de bien neuf, ni de bien appétissant, pour qui est femme et qui a vécu. Mais Assia ne pouvait se passer de le lui raconter. Bon gré, mal gré, il fallut l’écouter. Et à mesure que Assia redévidait son peloton, elle reprenait son aplomb ; et la reprenait son sot orgueil de combat. Elle mettait une forfanterie à étaler ses confessions ; elle ne s’excusait pas, elle accusait. Bien ou mal fait, elle avait fait ce qu’il lui plaisait. Elle avait le droit. (Et elle défiait insolemment des yeux la mère.)

— « Le droit de faire mal à qui vous aime ? »

Cette observation faite à mi-voix, comme à soi-même, désarçonna, dans son galop, la réciteuse. Elle s’arrêta, pour un instant ; puis, elle fit comme si elle