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fils la vérité. C’était chez lui, dans sa chambre, après souper. Le petit dormait — ne dormait pas — dans la chambre à côté, une sorte d’alcôve que ne fermait aucune porte. Il fallait parler bas, tous deux accoudés, côte à côte, sur la table à écrire, sous le rond de la lampe. Annette n’eut pas besoin de beaucoup de mots pour comprendre ; elle coupa court aux amères confidences ; elle ne pouvait pas ici les solliciter, ni y répondre : elle se méfiait de l’oreille de l’enfant ; et elle ne voulait pas laisser sortir de la bouche de Marc des paroles outrageantes, qui ne demandaient qu’à se déverser : le peu qui reste à sauver dans la ruine, il faut le sauver. Elle souffrait avec son Marc ; mais elle était femme, elle souffrait aussi pour l’autre ; avant de l’avoir entendue, elle n’innocentait pas complètement l’homme : il faut écouter les deux parties. Il y avait longtemps qu’elle redoutait à cet amour une telle issue ; et maintenant que l’issue était venue, elle ressentait plus de pitié que de reproche pour la coupable — pour les deux coupables — les deux victimes. Elle ne pouvait naturellement pas dire à Marc ce qu’elle pensait. Elle lui passa le bras autour du cou. Ils se taisaient ; mais elle sentait la joue de Marc trembler. Il ne craignait rien tant que de montrer sa faiblesse. Il craignait aussi que sa mère ne le plaignît, en lui rappelant : « — Mon pauvre enfant, je te l’avais bien dit !… » Dès qu’il le put, sans que sa voix le trahît, il se hâta de prendre un ton sévère pour parler des arrangements domestiques : — « Annette emmènerait chez elle l’enfant ; Marc ne garderait pas l’appartement ; il donnerait congé, dès le lendemain, et s’installerait provisoirement à l’hôtel ; les quelques meubles seraient mis, en attendant, au dépôt… » Il n’était pas question de Assia. Ce fut Annette qui rappela que l’on devait d’abord prendre