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pût faire un geste, il l’avait saisie au cou, et il l’étranglait. Elle ne fit rien pour se défendre… « Étrangle ! Soit ! C’est ton droit… » Elle n’avait pas baissé les yeux. Ce fut lui qui les baissa. Il la lâcha. Une telle douleur dans son regard !… Cela, c’était beaucoup plus terrible. Il resta, quelques secondes, épaules tombées, les bras ballants, comme en suspens. Puis, il fît quelques pas en arrière, il tituba, il s’écroula sur un coffre bas, près de l’appui de la fenêtre, il pencha le buste et il tomba, front en avant contre l’appui ; il sanglota. Ses sanglots n’avaient presque rien d’humain. On eût dit une bête blessée à mort. Assia était bouleversée. Elle voulait crier, courir, le prendre dans ses bras. Et elle était paralysée. Pas une parole ne sortait de sa gorge, et son visage restait glacé. L’excès inattendu de ce spasme la pétrifiait ; mais au dedans, son cœur était tordu, comme un linge aux mains d’une laveuse. Elle dut assister, droite et raidie, les yeux secs, sans un mouvement, à cette agonie furieuse. C’était un supplice qu’aucun tourmenteur n’eût prévu. Quand, d’un coup de reins, elle réussit à s’y arracher, quand elle put enfin mouvoir les genoux et s’approcher, en murmurant :

— « Mon petit, mon petit !… Si j’avais su !… Ne souffre pas !… Ça ne vaut pas la peine… »

Il coupa net ses sanglots, releva la tête, montra une face convulsée, mais implacable, et dit :

— « Va-t’en ! »

Il n’eut pas besoin de faire un geste. Son regard était comme un poing. Il la jetait hors de la maison.

Encore ici, sa fierté la desservit. Elle ne fit rien pour s’expliquer. Elle ramassa sur le parquet son manteau tombé, elle épingla son collet, dont les doigts furieux avaient arraché l’agrafe ; elle dit :

— « Tu me chasses ? a