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Un tel rappel, en cet instant, était un étrange manque de goût. Elle ne le remarqua même pas. Il ajouta :

— « Il cherche son chemin. Ce serait dommage qu’il se perdît. Tu sais la route. Montre-la lui ! Sa place est parmi nous. »

Elle ne répliqua point. Ce qu’il disait, elle le pensait. Elle lui savait gré de l’avoir dit. Ce ne fut que plus tard qu’elle songea qu’il avait dû faire espionner Marc. Mais ce qui eût jeté Marc dans la fureur lui causait à peine un désagrément : elle s’était habituée à penser que ces choses-là étaient naturelles, on a bien le droit de s’informer !… Sa main encore moite répondit à la pression de la large main et se dégagea. Elle dit :

— « Adieu. »

Et elle sortit.

Elle allait, dans la rue, sans se retourner. C’était la fin de la journée. Le dernier étage des maisons était, d’un côté du boulevard, rougi, par le couchant. Elle ne pensait pas ; elle était trop pleine pour penser. Elle n’avait ni plaisir, ni peine. Simplement, l’asphalte dur était bon à fouler sous ses pieds durs… — À un tournant, près de la Seine, qu’inondaient les derniers rayons du soleil, elle s’arrêta, frappée d’un coup :

— « Qu’est-ce que j’ai fait !…

Elle revit tout, tumultueusement ; mais ce ne fut qu’un instant ; et sans tumulte, sévèrement, elle refit son compte. Elle se mordait la lèvre, humiliée. Le compte était à son débit. Elle avait imprudemment joué et perdu. — Perdu ? S’il ne s’agissait que d’elle, elle ne s’en fût pas soucié longtemps. On perd au jeu, on a perdu, n’y pensons plus ! Le fait en soi n’avait que l’importance qu’on lui prête. Assia ne lui en prêtait guère. Son principal dépit venait, non pas du fait, mais de ce qu’elle y eût consenti par surprise, quand sa