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et mordants, en leur langage de là-bas. Arrivés au seuil d’une maison qui faisait l’angle de deux rues, il clignota vite autour de lui et dit :

— « Montons ! »

Elle hésitait. Il ajouta :

— « Tu m’aideras à faire la malle. »

Il lui prit le coude, et ils entrèrent. Il la poussa dans l’escalier raide et obscur. Elle ne voyait pas où elle marchait. Il lui appuyait sa main au creux du dos. Cette large main semblait la tenir, comme un oiseau. Mais ce n’était pas un oiseau de volière. Elle se raidissait durement pour résister, prête au coup de bec, — peut-être aussi afin de mieux sentir la main. Sur l’étroit palier, il allongea le bras par devant elle, pour introduire la clef dans la serrure. Il poussa la porte et la femme. Ils se trouvèrent dans un petit logement, mal tenu, dont la fenêtre sur la cour, rideaux tirés, était fermée. Djanelidze la partageait, pour le moment, avec un compagnon ouvrier : (il changeait d’abri, tous les deux jours). La chambre, à cette heure, était vide ; le locataire ne rentrait qu’à la nuit. Toutes les affaires de Djanelidze, linge et papiers, plus de papiers que de linge, couvraient le lit, la table, et le plancher. Djanelidze les prit par tas, et les engloutit dans une vieille malle de cuir à poignée. Il avait beau les piler, il n’arriverait jamais à les faire tenir. Assia ressortit le tas et le rangea. L’air vicié était étouffant ; elle avait la sueur au dos. Elle voulut ouvrir la fenêtre : il s’y opposa, pour ne pas être vus des voisins. Elle enleva son manteau, elle échancra le col de sa robe ; il s’était mis en bras de chemise. Ils parlaient peu, et seulement de ce qu’ils faisaient ; il lui passait les objets, elle les pliait, assise par terre sur ses talons, la gorge et la nuque découvertes ; elle trempait dans un bain de moiteur… Elle eut un bref étourdissement, elle se revit, la nuit