des pieds à la tête, comme s’il était là, devant elle. Elle se tâtait le pouls. Elle ne trichait pas. Pas une artère ne battait plus fort et plus vite. Son cœur était sans désirs. Que cet homme vive ou meure, que m’importe !…
Elle se recoucha, le souffle calmé et le cerveau refroidi. Elle s’endormit jusqu’au matin.
Rouvrant les yeux, elle ruminait le stupide malentendu. Il y avait du tort de tous les deux. Depuis quelques mois, la tension s’accentuait ; et tout en reconnaissant chacun ses fautes, ils n’avaient pas la sagesse ou l’énergie d’y rien changer. Le tempérament mal fixé de Marc était secoué par des accès colériques, comme des rafales nerveuses qui le brisaient : il passait d’une dépense de passion disproportionnée à l’épuisement ; et la fatigue même le livrait, non moins que la passion, à des fureurs. Assia avait de brusques alternances de mutisme buté et de flux de paroles emportées, des jalousies, des susceptibilités, des idées fixes et malades, qui coïncidaient avec ses petites marées, ou que déclenchait un mot, un geste maladroit, auxquels son imagination, déjà blessée, prêtait des intentions qu’ils n’avaient pas. Il se produisait fatalement des heurts brutaux et effrénés, où l’un et l’autre perdaient le sens, et après lesquels revenaient la lucidité et les regrets, mais rarement des deux côtés en même temps. — Et néanmoins, pas un instant, même au plus vif des paroles injurieuses, comme des soufflets, le grand amour n’est absent. Mais il se tapit, honteux, meurtri, au fond du cœur…
Assia reconnaissait, en ce moment, qu’elle n’était pas tout à fait innocente de l’exaspération où, cette nuit, Marc était tombé. Au lieu d’apaiser son inquiétude amoureuse (nullement injustifiée) que Assia lui fût reprise par l’âme étrangère de cette Russie, qui lui