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nouveau, qui dans ses poils gardait pourtant l’odeur puissante et familière du sol natal et du passé. Elle la reniflait avec une répugnance hypnotisée ; elle en avait tous les pores imprégnés. Elle se leva fiévreuse pour se laver les mains, la face, le ventre. Elle se recoucha. C’étaient ses draps qu’il eût fallu changer…

Dans la chambre voisine, Marc remuait. Elle se tourna et se retourna… « L’imbécile ! l’imbécile !… » Elle le mettait dans la balance, avec l’autre sur l’autre plateau. Il ne pesait pas lourd, avec sa stupide jalousie, son égotisme, son despotisme, toutes ses pensées recroquevillées sur son moi, moi, moi et moi… « Tu m’appartiens, tu es à moi… » — « T’appartenir ? Je n’appartiens à personne. Si je me donne, que ce soit à plus qu’un homme, à ces grandes forces qui soulèvent et qui mènent un monde !… En elles seules, je retrouve ma voie et mon lit. Je m’accomplis… » Et elle sentait autour de ses flancs l’étreinte de celui qui était derrière son dos. Elle était broyée, comme par une meule ; elle en hurlait dans sa poitrine… Elle ralluma, et elle se mit assise, suffoquant, les seins gonflés, et respirant à coups rudes…

Elle ressortit du lit, et demi-nue, dans un fauteuil, elle reprit le contrôle sur soi. Elle examina tout, d’un sens plus froid. Elle cherchait à s’expliquer l’énigme de cet homme qui l’excédait, à démonter son mécanisme. Elle tâchait de faire la part de ce qui, en lui, était de lui, et de ce qui était de la grande Force mystérieuse et multitudinaire, de la machine en mouvement, dont il était une courroie de transmission. Elle se persuadait que la machine était tout, et que la courroie n’était rien. Ou celle-là, ou une autre, n’importe quelle, faisait l’emploi… Le mot lui revint, qu’il lui avait dit : — « Moi, ou un autre… » Elle secoua la tête, de colère… « Sûrement, pas toi !… » Elle le détaillait froidement,