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retenant son interrogatoire. Elle le voyait par-dessous ses cils, sans avoir l’air de faire attention à lui ; elle avait envie de hausser les épaules. Finalement, il demanda, comme un juge d’instruction :

— « D’où reviens-tu ? »

Elle dit sèchement qu’au sortir de son bureau, elle avait eu un entretien qui l’avait retardée.

— « Avec qui ? »

— « Avec quelqu’un que tu ne connais pas. »

Elle jugea elle-même la réponse insatisfaisante, elle leva les yeux, prête à sourire ; et quand elle vit son grand garçon torturé, elle alla vers lui, pour l’embrasser. Mais il l’avait à peine effleurée, qu’il la repoussait avec fureur. Il lui criait :

— « Tu me dégoûtes ! Tes cheveux, ta robe, puent le tabac. Où les as-tu traînés ? »

Elle dit, froissée — mais elle convenait qu’il n’avait pas tout à fait tort :

— « Dans un café : j’ai pu en rapporter l’odeur ; mais tu pourrais être poli. »

Il répéta :

— « Dans un café ! Tu as roulé, pendant quatre heures ! »

Et elle vit qu’il ne la croyait pas. Elle dit : — « Voyons, mon petit !… »

Et de nouveau, elle se rapprocha. Mais ce garçon, violent, nerveux, tendu jusqu’à l’hystérie par un brusque accès de jalousie, se rejeta en arrière, avec dégoût. Et il criait :

— « Ne me touche pas ! »

Assia dit :

— « Tu es fou. »

Elle s’assit, et se mit à manger. Il était passé dans la chambre voisine et ne revenait pas. Assia appela :

— « Marc !… »