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Elle est retournée à son travail, mais elle s’est juré de ne plus accepter d’entretien avec le butor. Elle n’a pas à prendre cette peine. Djanelidze reste absent de Paris, une quinzaine ; et quand il reparaît, il ne lui prête aucune attention. Elle est piquée. En son absence, elle s’est informée sur son compte. Elle n’est pas la seule, dont l’attention soit occupée par le personnage. On le redoute et on l’admire ; on en parle, avec une malveillance fascinée. Dans ce qu’on raconte de sa vie, beaucoup de légende se mêle à la vérité ; mais, comme dit le proverbe, on ne prête qu’aux riches. Il est fils d’un boucher de Bakou ; il a pris part, de très bonne heure, aux coups de main, aux coups de bombes, aux « expropriations » violentes, organisées contre le trésor public et particulier par le jeune parti communiste du Caucase, aux alentours de 1905. Il a été cinq ou six fois emprisonné, déporté au fond de l’Asie, et s’est évadé, et a recommencé. Aux jours d’Octobre, il a été membre du Comité de guerre révolutionnaire, et, mieux fait pour agir que pour parler, il a été expédié sur tous les points de l’incendie, afin de l’attiser ; il n’a jamais rechigné devant la besogne la plus dangereuse ou la plus ingrate ; il ne dispute point aux ambitieux et aux « glorieux « du parti la viande du pouvoir ;