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— « Il est tombé sur Rome, du haut du ciel ! »

Annette demanda.

— « Qui ? »

(Avant d’avoir compris, elle savait.)

Jean, essoufflé, cria :

— « Silvio ! »

Annette prit les journaux ; mais dans le crépuscule de la chambre, qu’elle ne voulait pas dissiper, de peur qu’en allumant ils ne remarquassent ses traits tirés, ses yeux fatigués lisaient mal : — assez pour deviner, dans les grandes lignes, la folle épopée du jeune Icare, qui, pénétrant au cœur de l’Italie, avait osé affronter, jusque dans son repaire, le tyran qu’il haïssait. Malgré la flotte aérienne de l’ennemi, il avait survolé Rome en avion, jetant à poignées sur le « Senatus Populusque… » enchaînés les proclamations qui les appelaient à la révolte et souffletaient le dictateur terré dans son palais fortifié. Annette rendit à George les journaux, et lui dit :

— « Lis ! »

George les passa à Vania. Vania lut, de sa voix de gamin qui mue, — une voix qui se hâte et qui bute, à la fin des lignes, avalant sa salive de travers. Il avait des intonations emphatiques et puériles ; la joie perçait sous l’émotion. George se taisait, le front baissé, comme stupéfiée. Annette fermait les yeux pour mieux entendre… Elle entendait gronder l’avion… Le journal antifasciste italien de Paris publiait le testament de Silvio, que celui-ci avait jeté à la poste de Nice, quelques minutes avant de s’envoler pour « l’autre rive ». Il la prévoyait, il l’annonçait, c’était la mort qu’il cherchait. Il voulait, par ce sacrifice, racheter la honte et rallumer la flamme « du peuple de Mazzini ». Il redisait les mots — (Annette tressaillit ) — qu’elle lui avait dits. Et il disait ce qu’elle