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Elle en fit tant qu’une douleur la prit au cœur ; elle dut lâcher l’arrosoir, et elle s’assit sur le gravier, serrant ses bras contre sa poitrine ; elle ne pouvait plus respirer, la douleur l’envahissait ; elle eut la sensation de mourir ; elle regardait sa main pâle, d’où le sang s’était retiré, et il lui semblait qu’elle allait aussi s’en arracher. Elle avait mal, mais non regret de ce qu’elle avait fait. Elle pensait :

— « Si c’est la fin, c’est mieux ici… »

Elle entendait, autour de sa tête, les abeilles, — et, dans le ciel, le bourdonnement d’un avion… Et, dans tout son corps, son cœur immense… Il était près de se briser. La bouche ouverte, vers le ciel, les yeux fermés, dans ses oreilles s’amplifiait le grondement de l’avion. Il devait passer au-dessus de sa tête… Quand elle rouvrit les yeux, il avait disparu derrière la masse des forêts ; le grondement et la douleur s’atténuaient ; des gouttes de sueur lui coulaient aux tempes. À grand effort, elle se releva et elle rentra. Elle ne voulait pas que ses enfants, à leur retour, eussent connaissance de son incartade. Au seuil de la maison, elle se retourna. Ses pieds, ses mains prirent congé de sa bonne terre :

— « Bonsoir, ma terre ! Non pas adieu… Je te retrouverai… »

Elle se coucha. Peu après, George et Vania rentrèrent. Mais dès avant de les avoir vus, l’oreille d’Annette s’étonnait. Elle n’avait pas de loin, comme de coutume, happé l’approche des voix joyeuses.

Ils vinrent droit à sa chambre, ils ne virent point sur sa face les traces du combat qui s’était livré, ils ne lui demandèrent pas comment elle allait, ils étaient en proie à une exaltation muette. George tenait à la main des journaux ouverts. Elle dit, d’une voix rude qui refoulait un étranglement :