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C’est en ces jours que je la revis, pour la dernière fois, seule à Meudon, dans la maison au seuil des bois. Ses enfants s’étaient envolés. Ils couraient Paris et la campagne. Ils restaient, des journées, absents. George avait d’abord quelques scrupules ; mais Annette les leva : (ils ne demandaient qu’à l’être !) Elle engageait les Geschwister[1] à profiter des beaux jours du printemps pour excursionner dans l’Île-de-France sur leurs bicycles, ou sur leurs pattes, coucher en route dans quelque village, ou, si le temps et le lieu le permettaient, à la belle étoile, et revenir le lendemain. Elle restait seule, dans la maisonnette, écoutant, la nuit, les aboiements lointains des chiens. Elle ne se sentait pas abandonnée. Elle suivait par la pensée ses vagabonds. Leurs jambes, leurs bras, leurs yeux, jouissaient pour elle de la vie qui s’en allait, la renouvelaient…

Je la trouvai très fatiguée, trop fatiguée pour sortir même dans son jardin ; elle était à demi étendue, au petit balcon de sa chambre. Bien que ses yeux très myopes, où déclinait la vue, comme un long soir, ne

  1. Frère et sœur.