Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/632

Cette page n’a pas encore été corrigée

chante Alceste. On sait, on croit, on aime, — et on se donne. »

— « On donne les autres ! »

— « Non. Je mets les autres en état de discerner ce qui vaut qu’on se donne. Mais qu’ils soient libres de décider ! »

— « lis ne le sont plus, dès l’instant que vous jetez dans la balance vos passions… »

— « Ma raison… »

— « Votre raison, soit ! C’est la plus aveugle des passions. »

— « Qu’on le veuille ou non, tout est combat.
La pensée claire et la plus ferme exerce forcément son action. Elle pèse sur les décisions des âmes faibles et incertaines. On n’y peut rien ! Et il est bien qu’il en soit ainsi. Vous ne voudriez point que le plus lourd n’eût pas le plus de poids ? C’est la loi de gravitation. »

— « Vous êtes, au fond, plus inhumaine que moi. Vous êtes une pierre. »

— « Puissé-je être une de celles sur qui sera bâtie la Cité de Dieu ! »

Elle s’interrompit, avec un sourire de mélancolie.

— « Et n’oubliez pas que cette construction, je l’ai cimentée du sang de mon petit ! La pierre saigne. Elle est vivante. »

Vania écoutait, songeait. Après que le docteur Villard et Julien Davy furent partis, il demanda :

— « La Cité de Dieu »… Pourquoi dis-tu ?… Mais Mannie, Dieu, ça n’existe pas ! »

(Ni George, ni Assia ne s’en souciaient.)

C’est vrai, pourquoi avait-elle dit ce mot-là ? Elle ne croyait pas ce que d’autres entendent par là. Mais