front lisse et serrée, imperméable à toute épreuve du ciel et de la terre. Elle avait apporté à Vania d’étranges reliques de ses randonnées : des peaux de reptiles d’un blanc d’argent, des fétiches grotesques et terribles, un poignard à manche de corne sculptée : chaque cadeau était accompagné d’un bref récit des circonstances où elle l’avait récolté. La brièveté ajoutait encore à l’étrangeté. Mais à Annette elle offrit une boîte en laque peinte de Palekh, où les paysans artisans de Russie avaient déroulé, sur une prairie qui rappelait Byzance et Ravenne, une ronde sauvage et ordonnée.
Elle fut frappée de l’altération des traits d’Annette, que ceux qui la voyaient chaque jour ne remarquaient point. Elle prit George à l’écart, et lui intima de la prévenir télégraphiquement, à la première alerte : où qu’elle fût, elle reviendrait. George ne songea pas à s’offusquer du ton impératif : elle était, ainsi que Vania, secrètement impressionnée par le risque-tout de cette vie ; et cette femme, qu’elle n’aimait pas, lui en imposait, moins encore par ce qu’elle disait, que par ce qu’elle ne disait pas et que l’on imaginait. Non que Assia s’inquiétât de rien cacher ; elle n’avait aucunement amendé son indiscrétion de confidences, (sauf en ce qui concernait son service) ; mais elle était pressée, elle coupait le récit, d’un tranchant de mot et d’un rire brusque, au milieu d’une phrase ; et c’était juste aux moments les plus saignants. Elle laissait l’imagination surexcitée. Elle le voyait, elle voyait les yeux de Vania qui quêtaient la suite. Ses durs yeux riaient. Elle lui disait :
— « Plus tard ! Je n’ai pas le temps. Tu verras, par toi-même, plus tard. »
Elle repartit. George et Vania la suivaient encore des yeux dans l’espace, après que son sillage avait disparu. Ils s’entretinrent plus souvent de ce qui se