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jeune et saine vitalité, à la brûlante conception d’un acte d’héroïsme désespéré, qui souffletât la lâcheté du monde. Son romantisme poétique de jeune Shelley attardé se mariait en lui à la foi stoïque de son père spirituel : Mazzini… — Pendant un an, on perdit sa trace. Annette, seule, la cherchant, la nuit, en écoutant de son lit bruire les arbres de la forêt, avait le pressentiment, non défini, qu’un jour le fugitif ressurgirait de la forêt, pour une action inattendue.


Il y eut encore, cette année, une brève réapparition de Assia.

Elle était veuve, de nouveau. Son mari américain l’avait laissée en route. Elle usait ses compagnons sur les dures pierres des chemins, que foulaient ses talons invulnérables. Howard Drake était mort à la peine, au sortir des prisons infectes où il avait été jeté et torturé, au Pérou. On l’avait relâché, mourant du typhus. Il était seul : Assia, prévenue trop tard, avait traversé toute l’Amérique, pour arriver après qu’il était déjà sous la terre. Mais il lui avait conservé, jusqu’au dernier instant, sa pleine confiance. Il ne regrettait rien. Il lui faisait dire, en s’en allant :

— « Merci pour tout ! Assia, chérie, ne t’arrête pas, va de l’avant ! Et bonne chance à tes bonnes jambes ! »

Les jambes avaient repris leur course. Assia était rentrée, avec sa rousse portée de petits yankees, en U. R. S. S., où sa connaissance des milieux indo-américains était appréciée. Elle y avait été chargée de missions diverses. C’était au cours de l’une d’elles qu’elle avait fait escale une fois de plus, à Meudon. On l’avait revue, bronzée, brunie, durcie, la paume des mains rudes, comme devait l’être la plante de ses pieds, mais le visage sans un pli, — que, par moments, le dur froncement entre les sourcils, — la peau des joues et du