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moment, où tout paraît sur le même plan. On communie avec tous les vivants.

Cette communion est perpétuelle. C’est inquiétant. Elle est sous-jacente, elle se réalise, sans qu’on y pense, à tous les instants de la journée. On se sent glisser… Annette s’en aperçoit, au pincement de cœur que lui produit une nouvelle lue dans un journal, ou racontée : inondations, massacres en Chine, persécutions ici ou là, souffrances du monde, — ou bien ses joies (elles sont rares !)… Elles se propagent dans son sang, par tous ses membres. Avant l’esprit, le corps y participe. Le ventre — la voûte qui recouvre le champ sacré de labour — est comme une conque où se répercutent les palpitations de la terre. Le cordon n’est pas coupé, qui le rattache à l’enfant Monde. Qui touche l’enfant, touche la mère. Et les mêmes ondes les parcourent, chaudes ou glacées… Annette, la nuit, s’engloutit dans la délectation meurtrie de cette étrange maternité. Et elle murmure, les yeux fermés :

— « Petit enfant, petit enfant Monde, n’étais-tu pas mieux en moi ? Pourquoi en es-tu sorti ?… »